Clemenceau

La biographie de Michel Winock représente une étape essentielle dans la déconstruction de la caricature encore dominante d’un homme d’État. Ce dernier, souvent perçu comme un héraut de la gauche radicale, aurait été transformé en assassin des ouvriers et en affreux réactionnaire. Sans minimiser ses faiblesses ni ses erreurs, Winock, dans un ouvrage au ton vivant et stimulant, rétablit une réalité salutaire selon « Le Monde diplomatique ».

Georges Clemenceau incarne l’homme aux quatre visages : d’abord le Tigre, qui fait tomber les ministères , ensuite le dreyfusard, qui lutte pendant neuf ans pour le droit et la justice , puis le premier flic de France, qui dirige d’une main de fer le ministère de l’Intérieur pendant trois ans , enfin, le Père la Victoire, qui mène le pays vers l’armistice avec l’Allemagne. Ce radical, d’abord haï par la droite pour son anticléricalisme, puis par la gauche pour son sens de l’ordre et sa lutte contre le pacifisme, apparaît comme un homme apparemment contradictoire. Il se définissait lui-même comme un « mélange d’anarchiste et de conservateur ». De l’anarchisme, il a hérité la passion de la liberté, la philosophie individualiste et le dégoût pour la « caserne collectiviste ». Du conservatisme, il a cultivé l’amour de la patrie, le respect de la propriété et un certain pessimisme – celui de l’homme d’action – sur la nature humaine.

Michel Winock, professeur émérite à Sciences-Po, a publié de nombreux ouvrages, parmi lesquels « Parlez-moi de la France » et « Le Siècle des intellectuels », qui a reçu le prix Médicis essai. Sa biographie de Clemenceau a été couronnée par le prix Aujourd’hui, tandis que celle de Mme de Staël a remporté le prix Goncourt de la biographie. Pour en savoir plus.