Trésors carolingiens

L’image du prince couronné par une main divine, entouré de deux dignitaires ecclésiastiques, illustre parfaitement la symbiose entre le pouvoir laïc et le pouvoir religieux réalisée par Charlemagne. Ce chef-d’œuvre d’enluminure fait partie des soixante manuscrits, ou « trésors », que la Bibliothèque nationale de France expose pour la première fois depuis 1954. Ces documents exceptionnels, parfois ornés de somptueuses reliures en ivoire et en orfèvrerie, comme le célèbre Sacramentaire de Drogon, témoignent de la renaissance intellectuelle et esthétique qui a traversé l’Europe carolingienne entre 768 et 877. Quatre autres manuscrits, provenant des bibliothèques d’Amiens, Arras, Épinay et Reims, complètent cette collection unique.

En se posant comme héritiers des empereurs romains, Charlemagne et ses successeurs ont mené de front des réformes politiques et scolaires, l’unification de la liturgie, la révision des Écritures et la copie de textes antiques. Ils ont encouragé la création dans divers domaines, rapidement relayée par leur entourage et des établissements religieux dirigés par des personnalités proches de la cour. C’est principalement grâce à ces efforts que nous avons conservé des œuvres de l’Antiquité, comme les Comédies de Térence et les Guerres des Gaules de César, et que la pensée chrétienne a été renouvelée.

L’originalité de cette renaissance carolingienne réside également dans l’invention d’une écriture claire et aérée, la minuscule caroline, dont l’Évangéliaire de Charlemagne constitue le plus ancien exemple daté. De plus, un art novateur émerge, caractérisé par un retour à la tradition figurative de l’Antiquité et le développement d’un style ornemental raffiné, mêlant formes classiques et motifs insulaires. Les Évangiles de Lothaire, réalisés à Tours, en témoignent brillamment avec les portraits de Matthieu, Marc, Luc et Jean.

En découvrant les principaux centres de création disséminés dans l’Empire carolingien, le lecteur peut apprécier, à travers les manuscrits impériaux et les ouvrages issus des grands centres de production (du Nord et de l’Est de la France à la vallée de la Loire, en passant par l’Île-de-France), l’influence des grands foyers artistiques de l’époque, notamment l’Italie et les îles Britanniques. Les somptueux chefs-d’œuvre réalisés pour les souverains, qui reflètent la volonté impériale de renouer avec les modèles prestigieux du passé, constituent le cœur de ce recueil. Ils invitent à reconsidérer le mécénat impérial, la place du livre dans les trésors des églises, et plus généralement, le rôle de l’écrit dans le monde carolingien.