La pierre noire: Du paganisme à l’Islam

Pour l’étude des religions, chaque système religieux possède une histoire unique. Ces systèmes évoluent sans cesse, s’inspirant de croyances antérieures tout en intégrant de nouveaux éléments pour forger de nouveaux dogmes. Récemment, les recherches sur les origines de l’Islam ont fait des avancées notables. Toutefois, la dimension païenne des origines islamiques reste encore peu explorée.

L’auteur de ce livre se penche sur un objet emblématique de la religion musulmane : la pierre noire de la Kaaba. Cette pierre représente la direction vers laquelle les musulmans se tournent durant leurs cinq prières quotidiennes. Elle incarne également l’objet de la plus grande sacralité pour les pèlerins se rendant à La Mecque, qui aspirent à la toucher et à l’embrasser tout en faisant le tour de la Kaaba. À première vue, cette pierre semble être une idole d’origine païenne, mais peut-on vérifier la validité de cette hypothèse ? Existait-il, dans le Moyen-Orient préislamique, des cultes païens vénérant une pierre noire sacrée semblable à celle de l’Islam ? Si oui, ces cultes présentent-ils d’autres affinités avec la religion musulmane ?

Les résultats de la recherche s’avèrent plus que probants, mettant en lumière des cultes anciens ayant exercé une influence significative non seulement sur l’Islam, mais aussi sur les trois religions monothéistes. L’ouvrage intitulé « La pierre noire, du paganisme à l’Islam » explore le culte d’une déesse de la montagne, vénérée sous la forme d’une pierre noire sacrée dans la région orientale de la Méditerranée. Il dévoile ses origines, ses mythes, ses pratiques rituelles et l’évolution de son culte, des temps païens jusqu’à l’aube de l’Islam.

Cette déesse s’inscrit dans l’archétype des divinités de la mort et de la résurrection du Moyen-Orient antique. Elle trouve son origine dans la figure mésopotamienne d’Ishtar et fait partie d’un couple sacré, où le partenaire, moins important, représente un dieu mort et ressuscité par la déesse. Ce culte de la mort et de la résurrection a donné naissance aux premiers mythes bibliques, y compris l’histoire d’Adam et Ève, le Jardin d’Éden et le péché originel. Il a également inspiré, par vagues successives, le judaïsme, le christianisme et l’Islam.

Cependant, c’est la version proche-orientale de cette déesse, symbolisée par une pierre noire sacrée et désignée par divers noms issus de la racine sémitique GBL, tels que Baalat Gabal, Cybèle et Elagabalus, qui trouve une expression plus marquée dans l’Islam. La présence d’une pierre noire sacrée au cœur de ce culte en témoigne. Des épisodes mythiques liés à la déesse se retrouvent dans la biographie du prophète Mahomet.

Cette investigation nous conduit vers les origines d’une liturgie, éclairant la provenance de pratiques telles que l’interdiction de la viande de porc, la circoncision comme castration symbolique, le rituel de l’eucharistie chrétienne, les danses extatiques soufies et les pratiques d’auto-mutilation chiites, entre autres. Ce parcours anthropologique nous invite à explorer la mythologie, les symboliques iconographiques et les pratiques rituelles, afin de comprendre l’histoire d’un culte ayant traversé les millénaires. Ce culte a évolué progressivement, passant d’un système chamanique préhistorique au polythéisme antique, aux cultes à mystères, jusqu’au monothéisme.

Il s’agit d’une histoire des religions qui prend en compte le contexte culturel et politique d’un Moyen-Orient en constante mutation, qui a toujours su engendrer de nouvelles religions pour s’adapter aux bouleversements incessants. Ce voyage nous aide également à saisir comment une déesse primordiale, puissante dans l’Antiquité, s’est transformée en un dieu créateur masculin au sein des religions monothéistes, à travers un phénomène d’inversion des rôles de genre ayant débuté dès le Ve siècle av. J.-C. En lire plus.